Cass. Civ 1, 7 novembre 2018 n°17-27108
Dans cette affaire, l’époux est tenu de verser une pension alimentaire à l’épouse en raison du devoir de secours. En droit, le juge modifier, supprimer ou compléter le montant de la pension alimentaire en fonction de l’évolution des ressources financières des parties concernées.
Cependant, il arrive que le débiteur de la pension cherche à aggraver ses charges pour se délester, au moins en partie, de son obligation. Dans l’affaire étudiée, la Cour d’appel n’a pas tenu compte de la conclusion du bail par l’époux quelques jours seulement après la décision ayant réduit le montant de la pension alimentaire.
En effet, la conclusion de ce bail revêt un caractère opportuniste pour faire diminuer encore une fois le montant de la pension alimentaire.
Sur les deux moyens réunis :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 5 septembre 2017), que M. B… et Mme X… se sont mariés le […]; que l’épouse ayant déposé une requête en divorce, le juge aux affaires familiales a condamné le mari à lui payer une pension alimentaire en exécution du devoir de secours ; que, se prévalant de la survenance d’un fait nouveau, celui-ci a sollicité la suppression de cette pension ;
Attendu que M. B… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en cas de survenance d’un fait nouveau, le juge peut modifier, supprimer ou compléter le montant de la pension alimentaire qu’il avait mis à la charge de l’un des époux au titre des mesures provisoires ; que l’époux débiteur de la pension alimentaire faisait valoir que l’accident vasculaire qu’il avait subi au mois de septembre 2015 avait entraîné la paralysie temporaire d’un oeil et qu’il avait été obligé de réduire son activité de chirurgien en raison des risques de récidive, entraînant par conséquent une baisse de ses revenus ; qu’en rejetant la demande de suppression de pension alimentaire de M. B… , au motif qu’il n’était pas justifié que les causes de la diminution de ses revenus professionnels étaient indépendantes de sa volonté, alors qu’elle avait pourtant relevé les difficultés de santé de M. B… au mois de septembre 2015 et constaté que ses revenus avaient diminué en 2016, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
2°/ qu’en cas de survenance d’un fait nouveau, le juge peut supprimer, modifier ou compléter le montant de la pension alimentaire due par un époux à son conjoint au titre du devoir de secours ; que la pension alimentaire versée à ce titre étant destinée à maintenir le niveau de vie de l’époux créancier, elle a vocation à être révisée corrélativement dès lors que le train de vie de l’époux débiteur diminue ; que le seul caractère léger de la diminution des revenus du débiteur ne saurait suffire à écarter une demande de diminution ou de suppression de la pension ; qu’en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire au motif que la « légère diminution » des revenus de l’époux en 2016 ne constituait pas une modification objectivement explicable de son activité professionnelle, alors que le caractère « léger » de la diminution des revenus ne peut suffire à exclure la révision de la pension alimentaire, la cour d’appel a violé les articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
3°/ que le montant de la pension alimentaire que l’un des époux peut être condamné à verser à l’autre au titre du devoir de secours est fixé en fonction des ressources du débiteur ; que l’occupation d’un bien immobilier appartenant à autrui doit donner lieu à loyer ou indemnisation, une tolérance d’occupation gratuite pouvant cesser à tout moment ; que le paiement par l’époux d’un loyer à la SCI fût-elle familiale abritant l’ancien domicile conjugal, dans lequel il a fixé sa résidence actuelle ainsi que le cabinet médical au sein duquel il exerce sa profession de chirurgien, constitue une charge légitime et incompressible devant venir en déduction de ses revenus ; qu’en rejetant la demande de suppression de la pension alimentaire mise à la charge de l’époux, au motif que le nouveau bail conclu par ce dernier le 5 janvier 2016 avec la SCI familiale pour un montant de 1 650 euros ne pouvait être retenu comme élément venant en déduction de ses ressources compte tenu de son caractère opportuniste n’ayant pour finalité que de voir diminuer la pension alimentaire due, et qu’il n’était pas démontré que le bail avait été exigé par le gérant de la SCI, père de M. B… , alors que le paiement d’un bail en contrepartie de l’occupation d’un bien immobilier appartenant à autrui ne saurait constituer une charge opportuniste ou de complaisance et que c’était la mise à disposition gratuite qui était exceptionnelle, tolérance à laquelle il pouvait être mis fin à tout moment, la cour d’appel a violé l’article 544 du code civil, ensemble les articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil ;
Mais attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 1118 du code de procédure civile et 255, 6°, du code civil et de manque de base légale au regard de ces textes, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l’appréciation souveraine de la cour d’appel qui a estimé que les ressources et les charges de M. B… n’avaient pas évolué, dès lors que le seul élément nouveau résultant du bail, conclu quelques jours après la décision ayant réduit le montant de la pension alimentaire allouée à l’épouse, ne pouvait être retenu en raison de son caractère opportuniste ; qu’il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. B… aux dépens ;