Un homme de nationalité tunisienne a introduit une procédure de divorce devant le juge aux affaires familiales d’Aix en Provence.

La même procédure devrait aujourd’hui être engagée malgré le divorce sans juge puisque ce type de divorce est contentieux. 

Son épouse est également de nationalité tunisienne c’est pourquoi il a également introduit une demande de divorce devant le juge tunisien. Le juge tunisien a prononcé le divorce un an avant le juge tunisien.

Le mari forme un appel contre la décision du juge français et invoque la décision qui a été rendue en Tunisie. La Cour d’appel d’Aix en Provence lui donne raison sur le principe de la reconnaissance de plein droit des décisions étrangères en France mais la Cour de cassation n’est pas de cet avis.

Le principe de reconnaissance des décisions étrangères permet de reconnaitre en France les décisions étrangères en lien avec l’état et la capacité des personnes. Le juge français n’a alors pas besoin de procéder à une vérification de la décision avant de la rendre applicable en France.

Ici, la Cour de cassation rappelle que ce principe n’a pas lieu de s’appliquer lorsque l’une des parties invoque l’exception de chose jugée à l’étranger. Cela signifie que la partie peut fonder sa défense sur une décision étrangère pour mettre un terme à une procédure en cours devant les juridictions françaises.

L’exception de chose jugée à l’étranger ne peut être autorisée qu’à certaines conditions. Ces dernières sont prévues soient par convention entre les deux pays concernés, comme dans le cas présent, soit par les règles du droit français.

Ici seule la motivation de la Cour d’appel est sanctionnée et non la possibilité pour une personne d’invoquer une décision étrangère devant les juridictions françaises. La Cour de cassation rend un arrêt à visée pédagogique en rappelant les conditions dans lesquelles une décision étrangère doit être reconnue par un juge français.

Cass. Civ 1. 21 septembre 2016 n°14-29340

” LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : 

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches : 

Vu les articles 20, 15, a), 16, d), et 15, f), de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie ; 

Attendu que, selon le premier de ces textes, la juridiction compétente procède d’office à l’examen des conditions de régularité de la décision dont l’exécution est demandée et doit en constater le résultat dans sa décision ; qu’en vertu du deuxième, la décision doit émaner d’une juridiction compétente, au sens de l’article 16 et que, selon le troisième, en cas d’action en divorce, le demandeur doit résider habituellement depuis au moins un an sur le territoire de l’Etat d’origine à la date de l’acte introductif d’instance ; que, d’après le dernier, aucune juridiction de l’Etat requis ne doit avoir été saisie, antérieurement à l’introduction de la demande devant la juridiction d’origine d’une instance entre les mêmes parties fondée sur les mêmes faits et ayant le même objet ; 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en 2012, un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce de Mme X… et de M. Y…, alors que le juge tunisien, saisi par M. Y…, avait prononcé leur divorce en 2011 ; 

Attendu que, pour rejeter la demande en divorce de Mme X…, l’arrêt énonce que les décisions tunisiennes de divorce bénéficient de plein droit de l’autorité de chose jugée en France ; 

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il lui incombait d’examiner, au besoin d’office, la régularité internationale du jugement de divorce tunisien, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon.”