CEDH 7 septembre 2021, arrêt n°27516/14

En droit, l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, garantit le droit au respect de la vie privée. La vie privée englobe plusieurs aspects de l’identité d’un individu : son nom, son âge, son genre, son orientation sexuelle, son droit à l’image, mais aussi le secret des correspondances. C’est ce dernier aspect de la vie privée qui est expressément visé dans cet arrêt. Ici, l’article 8 de la CEDH est confronté au droit à la preuve prévu par l’article 6 de la même convention. La CEDH a donc procédé à un contrôle de proportionnalité entre les différents droits fondamentaux pour prendre sa décision.

Dans les faits, une femme de nationalité espagnole a épousé un homme de nationalité portugaise avec lequel elle a eu deux enfants. En raison de leurs contraintes professionnelles, la famille partage son temps entre l’Espagne et le Portugal. Suite à la détérioration de la vie du couple, la femme s’est installée définitivement en Espagne avec ses enfants. Elle a alors saisi le tribunal espagnol d’une demande de résidence habituelle pour les enfants en attendant le prononcé du divorce. Cependant le père a enclenché la même procédure devant le juge portugais. Pour obtenir  gain de cause, il a fourni à la justice portugaise un échange de messages électroniques entre son épouse et plusieurs correspondants masculins sur des sites de rencontres.

Au niveau de la procédure, la CEDH a tranché sur le conflit de compétences en faveur des juridictions espagnoles, premières saisies. Sur le fond de l’affaire, le juge espagnol a accordé la résidence habituelle des enfants à la mère et prononcé le divorce. Toutefois, l’épouse avait également saisi le juge portugais d’une plainte contre son mari pour violation du secret des correspondances dans le cadre des procédures. Le juge a alors considéré que les messages litigieux faisaient partie du patrimoine moral commun du couple. Cela impliquait donc une autorisation tacite de les utiliser dans le cadre de la procédure de divorce.

L’épouse, insatisfaite de la décision des juridictions portugaises, a alors engagé une procédure devant la Cour européenne des droits de l’Homme contre la République du Portugal en violation de son droit au respect de sa vie privée.

Cependant, la Cour européenne des Droits de l’Homme confirme que la production des messages litigieux était nécessaire pour apprécier la situation personnelle des conjoints et de la famille. De ce fait, même si l’époux a obtenu les messages en essayant plusieurs mots de passe, l’épouse a finalement accepté de donner un accès total aux messages. Par conséquent, l’irrégularité manifeste en premier lieu est ainsi couverte.