La séparation de corps d’un couple a été convertie en divorce en 1990. Le mari avait été condamné à verser, au titre de la prestation compensatoire, une rente viagère mensuelle. Les époux se sont remariés en 1992 et ont de nouveau divorcés par la suite.
Une décision de justice de 2002 a refusé d’octroyer à la femme une prestation compensatoire. Les juges ont considéré que le remariage avec le débiteur de la prestation n’avait pas mis fin à l’obligation de son mari de la payer.
Il a été jugé que l’obligation pour le mari de payer une prestation compensatoire à sa femme n’avait plus lieu d’être à compter de leur remariage. Le mari a demandé la restitution des sommes versées.
Cette décision est importante et intéressante car elle répond à deux questions de droit:
La première: un remariage avec la personne que l’on a divorcé rend-il automatiquement caduque la prestation compensatoire? Si oui, à quel moment?
À cette question, la Cour de cassation répond OUI et fixe la date de la caducité à la date du remariage.
La seconde: La caducité oblige-t-elle à la restitution de la prestation compensatoire perçue?
Oui mais pas tout le temps. En effet, la forme de la prestation compensatoire doit être appréciée. Ici la restitution est possible uniquement parce qu’elle a été faite sous la forme d’une rente viagère mensuelle et non sous la forme d’un capital.
La distinction est technique mais importante. La rente viagère mensuelle oblige le débiteur à payer tous les mois une certaine somme. Par conséquent la caducité de la prestation compensatoire ne porte que sur les mois à venir. Cela permet de demander le remboursement des sommes payées à compter du remariage.
En revanche, si la prestation compensatoire avait été faite sous forme de capital, elle aurait été versée en un seul paiement. Par conséquent la restitution n’aurait pas été possible.
Il est donc préférable de demander conseil à un avocat avant de se remarier avec la même personne. Les modalités de paiement de la prestation compensatoire peuvent faire l’objet d’une clause dans le contrat de (re)mariage.
Décision commentée
” Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 111-1 et L. 111-6 du code des procédures civiles d’exécution ;
Attendu que l’obligation de rembourser résulte de plein droit de la décision qui constate la caducité d’une prestation compensatoire ; que la créance est liquide lorsqu’elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par un précédent arrêt irrévocable, une cour d’appel a converti en divorce la séparation de corps prononcée entre Mme Y… et M. X… et a condamné ce dernier à lui verser à titre de prestation compensatoire, une rente viagère mensuelle ; que M. X… et Mme Y…, qui se sont remariés en 1992, ont à nouveau divorcé ; que Mme Y … a été déboutée de sa demande de prestation compensatoire au motif que son remariage avec le débiteur de la prestation n’avait pas mis fin à son obligation de la payer ; que M. X… a saisi un juge de l’exécution afin de faire constater la caducité de la prestation compensatoire suite à la célébration de leur second mariage ; que saisie sur renvoi après cassation (1re Civ., 17 octobre 2007, pourvoi n° 06-20.451), une cour d’appel a constaté, par un arrêt irrévocable, la caducité de la prestation compensatoire allouée à Mme Y… à compter du 13 mai 1992 ; qu’agissant sur le fondement de cet arrêt, M. X… a fait délivrer à Mme Y… un commandement de payer à fin de saisie-vente, pour obtenir la restitution d’une certaine somme ; que Mme Y… a contesté ce commandement devant un juge de l’exécution, qui l’a annulé ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que, la décision ordonnant le versement d’une prestation compensatoire sous la forme d’une rente mensuelle viagère, la répétition doit s’exercer par référence à une période de temps donnée pendant laquelle l’obligation était exigible, ce qui conduit nécessairement à vérifier l’imputation qui a été donnée aux paiements effectués, et que la rente viagère est assimilable à une obligation naturelle, et qu’ainsi Mme Y… est susceptible d’opposer des exceptions aux demandes qui lui sont faites dans le cadre de la répétition de l’indu dont la connaissance appartient au juge du fond ;
Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants à caractériser l’absence de caractère évaluable de la créance par le juge de l’exécution et alors que l’obligation de rembourser résultait de plein droit de la décision constatant la caducité de la prestation compensatoire à compter du 13 mai 1992, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 mars 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée.”