Cass. Civ. 1 31 mars 2016 pourvoi 15-12379

Deux ressortissants marocains se sont mariés au Maroc en 1993. Ils se sont ensuite installés en France. En 2007, l’épouse a fait une requête en divorce mais en 2010 son mari a fait la même démarche devant les juridictions marocaines.

La demande en divorce de l’épouse a été jugée irrecevable en France, en raison du prononcé du divorce pour discorde au Maroc. Mais la femme conteste cette décision d’irrecevabilité ce qui donne lieu à un pourvoi devant la Cour de cassation.

Elle estime que le juge aux affaires familiales (JAF) ne peut pas lui opposer la décision d’une juridiction étrangère sans en avoir vérifié la régularité internationale. Elle soutient également que le juge marocain n’était pas compétent puisqu’il n’y a aucun rattachement entre le Maroc et le litige et son mari a fait un usage frauduleux de certains documents pour saisir les juridictions marocaines.

Face à ces arguments, la Cour de cassation rend un arrêt de rejet dans lequel elle considère que la décision marocaine a acquis l’autorité de chose jugée puisque la requérant a comparu avec un avocat devant les juridictions marocaines. De plus, il n’a pas été fait état de la fraude dans le jugement marocain.

Cette décision confirme que les décisions étrangères de divorce sont reconnus de plein droit en France. Cela permet aux parties de bénéficier de la qualité de divorcé. Trois conditions sont nécessaires pour qu’une décision étrangère soit revêtue de l’autorité de la chose jugée: le juge étranger doit être compétent, la décision ne doit pas être contraire à l’ordre public international et l’absence de fraude doit être constatée.

“LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 décembre 2013), que Mme X… et M. Y…, après avoir contracté mariage au Maroc en 1993, ont établi leur domicile en France ; que Mme X… a présenté une requête en divorce devant un juge aux affaires familiales en janvier 2007 et que M. Y… a présenté une requête analogue à un juge marocain en décembre 2010 ; que la demande en divorce de Mme X… a été déclarée irrecevable en raison du jugement de divorce prononcé pour discorde au Maroc ;

Attendu que Mme X… fait grief à l’arrêt de confirmer cette décision, alors, selon le moyen, que le juge ne peut opposer aux parties la décision d’une juridiction étrangère, sans vérifier la régularité internationale de cette décision et donc, notamment, la compétence de la juridiction qui l’a rendue ; que le tribunal étranger n’est compétent que si le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et si le choix de cette juridiction n’a pas été frauduleux ; que Mme X… faisait valoir que les décisions marocaines invoquées contre elle avaient été rendues par des juridictions incompétentes ; qu’en effet, au moment de la saisine par son époux de la juridiction marocaine, soit le 12 novembre 2010, leur domicile commun était en France ; que M. Y… avait saisi le juge marocain « en usant de fausses déclarations et en domiciliant son épouse au Maroc, alors qu’elle n’a jamais été domiciliée au Maroc » ; qu’en opposant néanmoins à Mme X… la décision du juge marocain, sans se prononcer sur ce qui précède, qui démontrait que le choix par M. Y… de cette juridiction avait été purement frauduleux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 17 de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957, 11, 14 et 16 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 ;

Mais attendu qu’après avoir relevé que Mme X… avait comparu, assistée d’un conseil, devant les juridictions marocaines où elle avait conclu au fond, et souverainement estimé que les pièces pertinentes permettaient de retenir que les décisions rendues par les juridictions marocaines ne l’avaient pas été en fraude des droits de l’épouse, la cour d’appel en a exactement déduit que la décision marocaine de divorce avait autorité de chose jugée ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.”