Le régime de participation aux acquêts est prévu par les articles 1569 à 1581 du Code civil. Ce régime prévoit que, pendant le mariage, les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Cependant, lors de la dissolution du mariage en raison d’un divorce, l’époux qui s’est le moins enrichi obtient une créance de participation. Il est donc important de déterminer avec précision la valeur du patrimoine originaire en annexe du contrat de mariage.

 

Un couple marié sous le régime de la participation aux acquêts a un contrat de mariage qui contient la clause suivante : « les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des futurs époux lors de la dissolution, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seront exclus de la liquidation ». Cette clause s’appliquerait pour tout dissolution du régime pour une cause autre que le décès de l’époux.

 

Malheureusement, les époux ont divorcé le 26 septembre 2008 et lors de la liquidation du régime matrimonial le mari a demandé la révocation de la clause d’exclusion des biens professionnels et qu’ils soient bien intégrés à la liquidation de la créance de participation.

 

Dans cet arrêt (Cass. Civ 1, 18 déc. 2019 n°18-26.337), la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que la clause d’exclusion des biens professionnels prévue dans le régime de participation aux acquêts est un avantage matrimonial en cas de divorce révoqué de plein droit par le divorce de sorte que les biens professionnels peuvent être exclus.

 

Faits et procédure

  1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 10 septembre 2018), M. M… et Mme E… se sont mariés sous le régime de la participation aux acquêts, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution du régime pour une autre cause que le décès des époux, que « les biens affectés à l’exercice effectif de la profession des futurs époux lors de la dissolution, ainsi que les dettes relatives à ces biens, seront exclus de la liquidation ». Leur divorce a été prononcé par jugement du 26 septembre 2008. Lors des opérations de liquidation et de partage de leur régime matrimonial, M. M… a demandé que soit constatée la révocation de plein droit de la clause d’exclusion des biens professionnels figurant dans leur contrat de mariage et que ces biens soient intégrés à la liquidation de la créance de participation.

 

Examen du moyen

Enoncé du moyen

 

  1. M. M… fait grief à l’arrêt de juger que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage ne constitue pas un avantage matrimonial et, en conséquence, d’ordonner l’exclusion des biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux alors « qu’en matière de participation aux acquêts, une clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation, en cas de dissolution du régime pour une cause autre que le décès de l’un des époux, s’analyse en un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ; qu’en jugeant, en l’espèce, que la clause d’exclusion des biens professionnels du calcul de la créance de participation insérée dans le contrat de mariage des époux M… E… ne constitue pas un avantage matrimonial prenant effet à la dissolution du régime et donc révoqué de plein droit par le jugement de divorce en application de l’article 265 du code civil, la cour d’appel a violé les articles 265, 1570 et 1572 du code civil. »

 

Réponse de la Cour

Vu l’article 265 du code civil :

  1. Les profits que l’un ou l’autre des époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts peut retirer des clauses aménageant le dispositif légal de liquidation de la créance de participation constituent des avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial. Ils sont révoqués de plein droit par le divorce des époux, sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce.

 

  1. Il en résulte qu’une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial en cas de divorce.

 

  1. Pour dire que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonner, en conséquence, l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul de leurs patrimoines originaires et finaux, l’arrêt retient que la notion d’avantage matrimonial est attachée au régime de communauté et que les futurs époux, en excluant leurs biens professionnels, ont voulu se rapprocher partiellement du régime séparatiste, sans pour autant en tirer toutes les conséquences sur leurs biens non professionnels. Il ajoute qu’en adoptant un tel régime, dès lors que Mme E… était pharmacienne et M. M… directeur d’un laboratoire d’analyses, ils entendaient rester maîtres chacun de la gestion de leur outil de travail et de son développement futur tout en permettant à l’autre de profiter pendant le mariage des revenus tirés de l’activité, voire à le protéger si le bien professionnel était totalement déprécié.

 

  1. En statuant ainsi, alors que cette clause constituait un avantage matrimonial révoqué de plein droit par le divorce, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit et juge que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans le contrat de mariage de M. M… et de Mme E… ne constitue pas un avantage matrimonial et ordonne en conséquence l’exclusion de leurs biens professionnels du calcul des patrimoines originaires et finaux, l’arrêt rendu le 10 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble ;

Condamne Mme E… aux dépens ;

En application l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf.