Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a été saisi de vingt-cinq décisions concernant les délais de procédure pratiqués par le TGI de Bobigny. La décision choisie porte sur l’impact des délais de procédure sur les instances de divorce. Évènement marquant de la vie d’un couple, il est important que le juge soit réactif. Pourtant ce n’était pas le cas ici alors qu’il s’agissait d’un divorce amiable.

Afin de comprendre l’enjeu de cette décision du TGI de Paris, il est important de s’intéresser à la chronologie des faits. En effet le 10 septembre 2014, une femme demande à divorcer de son mari. Pour se faire, elle saisit le juge aux affaires familiales d’une requête en divorce.

Cependant, ce n’est qu’un an plus tard qu’elle est convoquée à l’audience de conciliation. Cette audience a pour but de réunir les époux afin de trouver, si possible, un terrain d’entente pour éviter un divorce contentieux.

Ce n’est que le 26 octobre 2015 soit 1 an et 16 jours plus tard que la décision relative à l’audience de conciliation est intervenue. Face à ce délai assez long, la demanderesse a réagi. En conséquence, elle formule une action en justice à l’encontre de l’agent judiciaire de l’État sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire.

Article L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire

Avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l’avis de la Cour de cassation. 

Elles peuvent, dans les mêmes conditions, solliciter l’avis de la commission paritaire mentionnée à l’article L. 2232-9 du code du travail ou de la Cour de cassation avant de statuer sur l’interprétation d’une convention ou d’un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.

 

Elle demande le paiement de 10.100 € de dommages-intérêts et de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

À cette action, la partie adverse, soit l’agent judiciaire, répond que les délais de justice ne sont en rien excessif et demande 500 € de dommages et intérêts. Cependant le ministère public n’est pas de cet avis et considère que les délais de procédure sont effectivement trop longs. En revanche, le montant des dommages-intérêts doit être réévalué.

En considération de tous ces éléments, le président du tribunal de grande instance de Paris considère une faute lourde de la part du juge de Bobigny. La faute lourde reprochée au juge. En effet, le juge constate l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi. Ce qui est contraire à un principe fondamental protégé par le célèbre article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Article 6 §1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

En effet, le juge considère qu’un délai trop long de procédure équivaut à un déni de justice. Le déni de justice est non seulement interdit par l’article 2 du code civil mais également par la Convention EDH. Il se définit par « le refus d’une juridiction de statuer sur un litige qui lui est présenté ou au fait de ne procéder à aucune diligence pour instruire ou juger les affaires ». Il s’agit donc d’une atteinte à un droit fondamental et d’un manquement du service public de la justice à sa mission essentielle.

En conséquence, la demanderesse a été indemnisée à hauteur de 1.875 € contre les 10.100 € demandés.