Dans le cadre d’un divorce, une question préjudicielle a été posée sur l’interprétation de l’article 2, point 7 ; de l’article 3 §1 et des articles 12 et 17 du règlement 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (règlement dit « Bruxelles II bis »), relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière de responsabilité parentale, abrogeants le règlement n°1347/2000. La huitième chambre de la Cour de Justice de l’Union Européenne a ainsi rendu une ordonnance d’interprétation le 3 octobre 2019.
Les articles du règlement Bruxelles II bis interprétés :
L’article 2.7 : Aux fins du présent règlement en entend par :
« Responsabilité parentale » l’ensemble des droits et obligatoires conférés à une personne physique ou une personne morale sur la base d’une décision judiciaire, d’une attribution de plein droit ou d’un accord en vigueur, à l’égard de la personne ou des bien d’un enfant. Il comprend notamment le droit et le droit de visite.
L’article 3 §1 : Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre:
- sur le territoire duquel se trouve :
- la résidence habituelle des époux, ou
- La dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou
- La résidence habituelle du défendeur, ou
- En cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou de l’autre époux, ou
- La résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou
- La résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son « domicile »;
b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, du « domicile » commun.
L’article 12 : Prorogation de compétence
- Les juridictions de l’État membre où la compétence est exercée en vertu de l’article 3 pour statuer sur une demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage des époux sont compétentes pour toute question relative à la responsabilité parentale liée à cette demande lorsque
- au moins l’un des époux exerce la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant
Et
b) la compétence de ces juridictions a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par les époux et par les titulaires de la responsabilité parentale, à la date à laquelle la juridiction est saisie, et qu’elle et dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
2. La compétence exercée conformément au paragraphe 1 prend fin dès que
- soit la décision faisant droit à la demande en divorce, en séparation de corps ou en annulation du mariage ou a rejetant est passée en force de chose jugée;
- Soit, dans le cas où une procédure relative à la responsabilité parentale est encore en instance à la date visée au point a), dès qu’une décision relative à la responsabilité parentale est passée en force de chose jugée ;
- Soit, dans les cas visés aux points a) et b), dès qu’il a été mis fin à la procédure pour une autre raison.
3. Les juridictions d’un État membre sont également compétentes en matière de responsabilité parentale dans des procédures autres que celles visées au paragraphe 1 lorsque
- l’enfant a un lien étroit avec cet État membre du fait, en particulier, que l’un des titulaires de la responsabilité parentale u a sa résidence habituelle ou que l’enfant est ressortissant de cet État membre,
Et
b) leur compétence a été acceptée expressément ou de toute autre manière non équivoque par toutes les parties à la procédure à la date à laquelle la juridiction est saisie et la compétence est dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
4. Lorsque l’enfant a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État tiers, qui n’est pas partie contractante à la convention de la La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, la compétence fondée sur le présent article est présumée être dans l’intérêt de l’enfant notamment lorsqu’une procédure s’avère impossible dans l’État tiers concerné.
L’article 17 : Vérification de la compétence
La juridiction d’un État membre saisie d’une affaire pour laquelle sa compétence n’est pas fondée aux termes du présent règlement et pour laquelle une juridiction d’un autre État membre est compétente en vertu du présent règlement se déclare d’office incompétente.
Faits et procédure :
En 2000, un couple de nationalité roumaine se marie en Roumaine et a un enfant en 2001. Très peu de temps après, la famille s’est installée en Italie mais le 21 novembre 2012, le tribunal d’Aoste en Italie a constaté la séparation de fait des époux et a accordé la garde exclusive de l’enfant à la mère. Il a également été ordonné au père de verser une pension alimentaire et les conditions du droit de visite du père ont été fixées.
Le 3 septembre 2018, le père de l’enfant a introduit une demande en divorce devant une juridiction en Roumanie. Cette juridiction constate que les parties n’ont pas désigné de juridiction compétente pour statuer sur le divorce. En effet, le requérant a indiqué l’adresse roumaine de son ex-femme sans mentionner sa résidence en Italie mais l’accusé de réception de la citation à comparaître de sorte que la procédure avait été respectée.
La juridiction roumaine s’interroge alors sur sa compétence pour statuer également sur les obligations alimentaires du père alors même qu’il n’a pas introduit de demande à ce sujet. En la matière, l’article 3 §1 a) du règlement Bruxelles II bis pose une possibilité de choix en fonction de la résidence habituelle de l’une ou l’autre partie, voire des deux.
Cependant le divorce implique un enfant mineur de ce fait la Cour de Justice de l’Union européenne est saisie. Elle confirme qu’en matière matrimoniale, les chefs de compétence prévus par le règlement sont alternatifs. En conséquence le fait que le couple ait un enfant en bas âge n’est pas déterminant dans le choix de la juridiction compétente.
Par ailleurs, les règles de la compétence en droit de l’Union européenne interdisent de lier le juge du divorce à sa compétence en matière de responsabilité parentale. Cette règle est donc contraire à la loi roumaine qui impose que le juge du divorce statue sur l’exercice de l’autorité parentale et sur la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants. En revanche, ce n’est pas le cas en droit français.
En matière de responsabilité parentale (Art. 12 du règlement), le juge roumain souhaitait savoir si la notion de responsabilité parentale englobait la résidence de l’enfant, l’autorité parentale et la contribution des parents aux dépenses nécessaires pour le développement et l’éducation de l’enfant. La Cour rappelle ainsi la définition de la responsabilité parentale prévue par l’article 2 point 7 du Règlement. En conséquence, il en est déduit que la responsabilité parentale couvre notamment toutes les décisions en matière de droit de garde et de résidence de l’enfant. Toutefois, les obligatoires alimentaires relèvent d’un règlement européen spécifique et ne peuvent être régies par le Règlement étudié ici.