La demande d’audition d’un enfant mineur qui émane des parties, peut être refusée par le juge si elle n’est pas nécessaire à la solution du litige ou qu’elle lui paraît contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Le père d’une enfant âgé de 7 ans quitte subitement la région parisienne pour s’installer dans le Sud de la France. Le juge aux affaires familiales ayant été saisi, il rend une ordonnance dans laquelle il ordonne le retour de l’enfant en région parisienne et désigne un médecin expert. Suite au rapport d’expertise, un jugement fixe la résidence de l’enfant chez la mère et un droit de visite et d’hébergement est organisé pour le père.

Le père décide de faire appel de cette décision et demande à ce que le juge recueille le témoignage de sa fille. Le juge refuse, le père décide de faire de nouveau appel de cette décision devant la Cour de cassation.

Le problème qui se pose dans cette affaire est le suivant : un juge peut-il refuser la demande d’audition d’un enfant mineur faite par l’un de ses parents ? Si oui, pour quels motifs ?

La Cour de cassation considère que « lorsque la demande d’audition de l’enfant est formée par les parties, elle peut être refusée si le juge ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant mineur ».

Elle considère que les juges de la Cour d’appel ont « souverainement estimé qu’elle disposait d’éléments suffisants pour statuer et [que l’enfant mineur], âgée de seulement 7 ans, devait être préservée autant que possible du conflit parental dont elle avait déjà subi les conséquences lors de la rentrée scolaire 2012 à l’occasion du départ à Vence imposé par son père avant que le juge aux affaires familiales n’ordonne son retour en région parisienne ».

Cet arrêt de la Cour de cassation revient sur la question de l’audition de l’enfant qui est un point important en matière d’autorité parentale. En effet, la loi prévoit que l’enfant mineur, capable de discernement, peut être entendu par le juge. Mais les conditions varient en fonction de la personne qui forme la demande. La demande d’audition peut être faite directement par l’enfant ou par les parents.

Lorsque l’enfant veut être entendu, l’audition est de droit. La demande d’audition ne peut être refusée que si l’enfant manque de discernement ou que la procédure ne le concerne pas.

Lorsque la demande d’audition de l’enfant vient d’un des parents, elle peut être refusée lorsque cela n’est pas nécessaire à la solution du litige ou pour préserver l’intérêt supérieur de l’enfant.

Si un enfant est entendu, il le sera avec l’assistance gratuite d’un avocat désigné par l’antenne mineure du barreau du lieu du tribunal. À Paris, Me GEITNER intervient fréquemment dans ce type de procédure puisqu’elle fait partie de la centaine d’avocats de l’antenne mineure.

« LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à M. X… du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre le procureur général près la cour d’appel de Paris ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2014), que des relations de M. X… et Mme Y… est née Anaïs X…, le 8 février 2007 ; que, le père ayant quitté la région parisienne avec cette dernière au cours de l’été 2012, un juge aux affaires familiales a, par ordonnance du 27 septembre 2012, ordonné le retour de l’enfant et commis un médecin expert afin de recueillir des informations sur sa pathologie ainsi que sur les conditions de vie susceptibles d’améliorer sa situation médicale ; qu’après le dépôt du rapport de l’expert, un jugement a statué sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter la demande d’audition d’Anaïs, alors, selon le moyen ;

1°/ que M. X… avait fait valoir, dans ses conclusions d’appel, que l’audition de sa fille, Anaïs X…, était nécessaire à la solution du litige, dans la mesure où elle permettrait de confirmer les propos que celle-ci avait tenus devant un psychologue au sujet du comportement de sa mère et de ses conditions de vie au domicile de celle-ci, ainsi que d’interroger l’enfant sur son désir de quitter la région parisienne et de partager le quotidien du nouveau compagnon de sa mère, qu’elle disait détester et craindre, et de vérifier les propos tenus par ce dernier au nom de l’enfant ; qu’en rejetant la demande d’audition d’Anaïs X… et en statuant, par suite, comme elle l’a fait, sans répondre à ce moyen, qui n’était pas inopérant, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de réponse à conclusions, en violation des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, ensemble des stipulations des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu’en se fondant, pour rejeter la demande d’audition d’Anaïs X… et pour statuer, par suite, comme elle l’a fait, sur le fait que M. David X… avait imposé son déménagement à Vence (Alpes-Maritimes) lors de la rentrée scolaire 2012, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par M. David X…, si Anaïs X… n’avait pas été satisfaite de ce déménagement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 388-1 du code civil et de l’article 338-4 du code de procédure civile et des stipulations des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en se fondant, pour rejeter la demande d’audition d’Anaïs X… et pour statuer, par suite, comme elle l’a fait, sur le fait que M. David X… avait imposé son déménagement à Vence (Alpes-Maritimes) lors de la rentrée scolaire 2012, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par M. David X…, si ce dernier n’avait pas préalablement informé Mme Marie Y… de ce déménagement et si ce déménagement n’avait pas eu lieu sans que Mme Marie Y… ne s’y oppose, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article 388-1 du code civil et de l’article 338-4 du code de procédure civile et des stipulations des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé qu’aux termes de l’article 338-4 du code de procédure civile, lorsque la demande d’audition de l’enfant est formée par les parties, elle peut être refusée si le juge ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant mineur, la cour d’appel a souverainement estimé qu’elle disposait d’éléments suffisants pour statuer et qu’Anaïs, âgée de seulement 7 ans, devait être préservée autant que possible du conflit parental dont elle avait déjà subi les conséquences lors de la rentrée scolaire 2012 à l’occasion du départ à Vence imposé par son père avant que le juge aux affaires familiales n’ordonne son retour en région parisienne ; qu’elle a ainsi, répondant aux conclusions prétendument omises, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X… fait encore grief à l’arrêt de fixer la résidence d’Anaïs au domicile de Mme Y…, d’organiser son droit de visite et d’hébergement et de rejeter ses demandes ;

Attendu que l’arrêt relève, d’abord, que le rapport d’expertise médicale ne propose pas de lieu de vie particulier pour le développement harmonieux d’Anaïs ; qu’il constate, ensuite, que, s’il n’est pas contesté que M. X… s’est beaucoup investi dans la prise en charge d’Anaïs pendant sa petite enfance, Mme Y… travaillant selon des horaires décalés, pour autant, et contrairement aux allégations du père, celle-ci est une mère aimante, attentionnée et équilibrante pour Anaïs, qui n’a jamais entendu la priver de son père et chez laquelle elle bénéficie d’une situation stable ; qu’il énonce, enfin, que Mme Y… a sollicité en mai 2012 le bénéfice d’horaires administratifs pour le mois de septembre suivant, dont les conséquences dans la prise en charge de l’enfant ont été immédiatement contrariées par le départ brutal dans le Sud de M. X… avec l’enfant, intervenu alors qu’il avait connaissance des changements en cours du côté maternel ; que, de ces circonstances souverainement appréciées, la cour d’appel, qui n’a pas conféré l’autorité de la chose jugée à l’ordonnance de référé, a déduit que la résidence de l’enfant devait, dans son intérêt, être fixée chez sa mère ; qu’elle a ainsi, par une décision motivée, légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents, de dire que sa décision sera transmise au procureur de la République de Meaux pour inscription d’Anaïs au fichier des personnes recherchées et pour la mise en oeuvre de l’interdiction de sortie du territoire, et de rejeter ses demandes ;

Attendu qu’après avoir relevé que le conflit parental restait très prégnant, la cour d’appel a estimé qu’eu égard aux événements survenus en 2012, qui avaient vu M. X… décider unilatéralement du lieu de vie et de scolarisation d’Anaïs, il était nécessaire de continuer à soumettre la sortie du territoire français de l’enfant à l’accord de ses deux parents afin de garantir la continuité et l’effectivité du maintien de ses liens avec eux ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi. »